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Le Yunnan: bonheur d'une randonnée et nuit chez l'habitant...

Province de Yunnan

Le souffle est court et nous marchons d'un pas lourd depuis déjà bientôt une heure. Les visages ruissellent et les jambes commencent un peu à fatiguer. Cela fait près de 5h que nous randonnons dans les montagnes du nord du Yunnan et enfin, au détour d'une arrête le col tant convoité apparaît. Le Yangzi, appelé ici Jinshajiang (fleuve aux sables d'or), coule 700m en contrebas et semble toujours aussi paisible, d'un bleu turquoise resplendissant.
Nous franchissons les quelques dizaines de mètres qui nous séparent du col et profitons de ce panorama splendide, le temps d'une pause amplement méritée. Notre muletier, arrivé depuis belle lurette, semble déjà impatient de repartir. Nous lui donnons quartier libre et le laissons parcourir seul les trente minutes de descente qui nous mèneront au village où nous passerons la nuit ce soir.
La vue est à couper le souffle: des falaises gigantesques plongent droit dans le fleuve et seule une petite embarcation qui fait la traversée nous permet de percevoir l'échelle gigantesque du paysage qui se dévoile sous nos yeux. Quarante cinq minutes plus tard, l'arrivée au village ajoute encore au dépaysement. Nous ne trouvons ici que trois ou quatre fermes et pas d'engin motorisé. Nous sommes accueillis avec des grands sourire, une petite table est déjà prête et le thé chaud ne demande qu'à être servi. Le mandarin de nos hôtes est assez rudimentaire mais suffisant pour échanger quelques politesses. Après nous avoir demandé ce que nous souhaitions manger ce soir, la femme part dans son potager chercher les légumes frais que nous dégusterons plus tard. Son mari s'absente quant à lui cinq minutes et revient avec un poulet gesticulant qui a certainement compris le sort qui lui était réservé. Avec sept invités ce soir, il est temps de se mettre à l'ouvrage!
Nous sommes ici en territoire Naxi, minorité vivant dans le nord de la province du Yunnan. Loin, très loin de la Chine de l'est et de ses mégalopoles...

Habitant de Naxi dans le Yunnan

A l'opposé de Pékin sur la carte de l'empire du milieu, le Yunnan, le “pays au sud des nuages”, est la province la plus variée de Chine au niveau géographique et socio-culturel. Sur les 56 minorités officiellement reconnues par le gouvernement, pas moins de 26 sont présentes ici. On peut ainsi, dans le sud, partir à la rencontre du peuple Hani, connu pour avoir façonné les gigantesques rizières en terrasses de Yuanyang, quand plus au nord, on peut faire connaissance avec les Bai, héritiers des anciens royaumes de Nanzhao et de Dali.
Pendant plus de 600 ans (de 649 à 1253), ce royaume indépendant du reste de la Chine (dont les frontières étaient globalement celles du Yunnan actuel) à prospéré le long de "l'ancienne route du thé et des chevaux" parfois appelée "route de la soie du sud". Ce réseau de pistes et de sentiers montagneux était emprunté par les Tibétains venus depuis le nord échanger des chevaux contre du thé apporté depuis le sud, en particulier le fameux thé Pu'Er issu de la région éponyme. Ce commerce a permis à de nombreuses villes de la région de prospérer.
On peut citer entre autre les villes de Weishan, Dali, Shaxi, Lijiang ou encore Shangri-La. Ces villes se situent dans le nord-ouest de la province là où avaient lieu la majorité des échanges, et elles gardent aujourd'hui encore de nombreux vestiges culturels et architecturaux de leur passé médiéval. Il est ainsi encore possible aujourd'hui à Dali de parcourir à pied une partie des remparts de la vieille ville et de comtempler ses quatre vieilles portes.

Des fumets parvenant jusqu'à nos narines nous mettent en appétit, et certains n'hésitent pas à aller jeter un coup d'œil en cuisine pour voir ce que nos hôtes nous préparent. Ils parviennent même, grâce à une langue des signes improvisée, à proposer un peu d'aide à la cuisinière qui refuse catégoriquement avec un grand sourire. Ici, on sait recevoir et on ne rigole pas avec l'hospitalité!
Certains profitent de ces derniers instants avant le dîner pour faire un brin de toilette, lire un peu, boire du thé, écrire ou croquer des scènes de vie locale qui s'offrent à nous, quand d'autres décident de faire quelques étirements afin de ménager les organismes en prévision des difficultés à venir. Quatre jours de marche sont encore au programme, et autant de nuits chez l'habitant et de rencontres toutes plus authentiques les unes que les autres. Et, bien que des mules nous accompagnent pour porter les sacs (et au besoin les marcheurs les plus fatigués...), les montagnes du Nord Yunnan ont encore plusieurs vallées et cols escarpés à nous proposer.



Le Yunnan est en effet une région au relief très accidenté et sa situation géographique lui confère une diversité sans commune mesure. Le sud de la province, aux frontières du Vietnam, du Laos et du Myanmar, propose des paysages vallonnés et un climat tropical. Il est ainsi beaucoup plus judicieux de se rendre dans les régions de Yuanyang ou du Xishuangbanna entre octobre et mai, la chaleur et l'humidité rendant ces zones moins supportables en été.

Là encore, la diversité des ethnies rencontrées (Dai, Bulang, Hanis) apportent une atmosphère des plus exotiques et les fruit tropicaux, ananas et autres mangues sont autant de délices disponibles toute l'année dans les marchés locaux. Thé, fruits exotiques, fleurs parfumées, tous ces produits ainsi que la douceur des lieux incitèrent les Français à l'époque de l'Indochine à développer les échanges commerciaux avec le Yunnan. Un consul fut présent jusqu'au début du XXe siècle et un train reliant la capitale Kunming à Haiphong au Vietnam fut également construit à cette période. Toujours en service sur sa partie sud, cette ligne n'est, en revanche plus utilisée côté chinois aujourd'hui. Plus on monte vers le nord de la province, plus on se rapproche du plateau tibétain. La topographie du Yunnan consiste en un grand toboggan qui part du Tibet pour descendre suivant un axe nord-sud jusqu'aux forêts tropicales du Laos. Quand l'altitude au sud sur les bords du Fleuve Rouge ne dépasse pas 300m, elle flirte avec les 2000m au niveau de Dali et atteint 3200m à Shangri-La sur le plateau. C'est d'ailleurs suivant cet axe nord-sud que coulent trois des plus grands fleuves d'Asie (et du monde) dans les zones Tibétaines du Nord Yunnan: Le Yangzi, le Mekong et la Salouen. Dans cette région à la géographie spectaculaire, des montagnes enneigées dépassant parfois les 6000m marquent la séparation entre des gorges et vallées gigantesques formées par les rivières. La biodiversité de cette zone des “trois fleuves parallèles” est d'ailleurs considérée par l'Unesco comme étant la plus importante au monde.



Le dîner est maintenant servi. Nos hôtes nous laissent seuls à table et mangerons après nous. C'est ainsi qu'ils conçoivent l'hospitalité. La cuisine est simple mais pleine de saveurs. Viandes, œufs, légumes, souvent assaisonnés d'un peu d'épices locales, sont tous frais de la journée et nous engloutissons les plats avec un plaisir non dissimulé.
Après le repas, nous restons encore un moment autour du poêle en compagnie de nos hôtes, fiers de nous montrer quelques photos d'étrangers venus chez eux par le passé. Nous prenons d'ailleurs une photo de groupe que je leur rapporterai lors de notre prochaine randonnée dans la région. Avant d'aller se coucher, nous jetons encore un coup d'œil aux étoiles, si brillantes en altitude, et observons une dernière fois la silhouette noire des montagnes se détachant sur le ciel. Cette nuit nous dormirons sereinement, dans le calme, loin des villes et des tracas de la vie quotidienne et seul le cri du coq viendra nous tirer de notre sommeil.